La mosquée Koutoubia, ou mosquée des libraires, fut débutée sous la dynastie berbère des Almoravides en 1120, mais fut profondément remaniée à partir de 1162 sous le calife Almohade Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, et devint l’un des édifices les plus caractéristiques de ce style. Son nom vient du fait qu’elle se situait dans le souk des marchands de manuscrits.
Elle s’organise sur un plan en T. Cette tradition existe depuis la construction de la mosquée de Kairouan au ixe siècle, et se retrouve également en Espagne. Il s’agit en fait d’un plan arabe hypostyle1, c’est-à-dire comportant une grande cour entourée d’un portique et une salle de prière à colonnes. Les nefs sont perpendiculaires au mur de qibla, celle du centre étant plus large ; et la travée qui longe le mur qibli est également magnifiée, ce qui forme un T, d’où le nom. Le mihrab est traité comme une niche très profonde, et le minaret, haut de 69 m, est de section carrée, selon la tradition de l’occident musulman.
Ses 17 nefs, soutenues par de nombreux piliers blancs, abritent l’une des plus vastes salles de prière de l’Occident musulman (90 × 60 m) pouvant accueillir jusqu’à vingt mille fidèles. Le bâtiment a été restauré dans l’esprit du monument original en 1990, sous l’autorité du ministère de la Culture marocain.
Le minaret est plus tardif (achèvement en 1196), est plus décoré : on remarque notamment un important travail d’arcs entrelacés (sebka). Au sommet du minaret, il existe 3 boules superposées dont le diamètre est décroissant symbolisent la Terre, l’Eau et le Feu. Il servit, entre autres, de modèle pour la Giralda de Séville.
Le décor extérieur du minaret est différent sur les quatre faces : peinture sur enduit à ornements floraux et épigraphiques, réseau d’entrelacs en relief où s’intercalent les peintures, bandeau de faïences à filet blanc sur fond turquoise, arcatures parfois entremêlées. Il est construit en grès schisteux originaire des carrières du Guéliz. Admirablement proportionné : 12,80 de côté pour 69 de hauteur avec le lanternon (77 m jusqu’à la pointe de la flèche), avec un mur extérieur de 2,50 m. Au centre de la tour, un noyau extérieur abrite six salles superposées. Autour de celle-ci, une rampe en pente douce mène au chemin de ronde. La plate-forme est entourée d’un chemin de ronde protégé par une balustrade dentelée de merlons. Le lanternon, haut de 16 m, apparaît comme un second minaret posé sur le premier.
La mosquée des libraires a abrité jusqu’en 1962 un magnifique minbar, considéré comme l’un des joyaux de l’art hispano-mauresque en matière de sculpture sur bois et de marqueterie. Commencée à Cordoue en 1137, la fabrication de cette chaire de prière, commandée par le sultan Ali Ben Youssef, a duré huit ans. Transporté à Marrakech et installé dans la mosquée d’Ali, le minbar a ensuite été déplacé vers la mosquée des libraires. Déjà décrit en 1381 comme une « oeuvre de perfection », le minbar de la mosquée de la Koutoubia est un ouvrage exceptionnel, composé d’un millier de pièces de cèdre, incrustées d’argent et ornées de marqueteries de santal et d’ébène et de calligraphies sculptées. La facture du décor, extrêmement fin, témoigne d’un goût notable pour la polychromie. Dissimulé dans une niche située à proximité du mirhab, il en était sorti tous les vendredis pour la prière au moyen d’un astucieux système de cordages invisibles destiné à impressionner les fidèles. Retiré de la mosquée en 1962 pour motif de préservation, il a fait l’objet en 1997-1998 d’une minutieuse restauration qui lui a permis de retrouver son éclat d’origine et il est aujourd’hui visible dans un petit bâtiment situé à l’angle nord-est du palais El Badi.
Pierre
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